Texte tiré du catalogue de 1985
« Au départ, il y avait l’idée : faire de la vidéo.
Puis, il y a eu la constatation de l’artiste : la vidéo permettait de réaliser une œuvre originale en y incluant des paramètres nouveaux jusqu’alors inutilisables dans le cadre de la plastique traditionnelle : restituer simultanément des quantités d’images (couleur et mouvement) et de son (couleur sonore et rythme); concentrer l’information en un temps très bref et par là même créer une notion de dynamique à travers l’œuvre.
Déjà les sculptures mobiles témoignent de la volonté de l’artiste à s’exprimer dans un autre registre ; et puis l’exclamation devant « le drapeau » de NAM JUNE PAIK, dispositif vidéo géant composé de plusieurs centaines de moniteurs de télévision: << Comment peut-on encore avoir envie de peindre lorsque l’on a vu cela» (sic). Réflexion lourde de conséquence lorsque l’on connaît le degré d’aboutissement et le succès que rencontre sa peinture. C’est peut-être ce qui fait la force de l’œuvre de Marie-Paule: cette attitude qui consiste à ne jamais stagner dans un processus de œuvre, vidéo électronique, pour la réalisation de ces thèmes. création, tant sur le plan des thèmes souvent d’actualité que sur les plans des moyens à mettre en
Une nouvelle idée était née : de la vidéo pour l’art à l’art vidéo il n’y avait qu’un pas à franchir – Facile ? Il existe aujourd’hui des artistes dont la mentalité ressemble fort à celle d’une partie de la population qui en 1900 craignait l’implantation de l’électricité.
L’art vidéo s’inscrit donc comme une suite logique de son activité artistique: renouvellement des thèmes dans le processus de création. C’est une des raisons majeures qui a suscité l’entreprise d’animation scolaire au sein de collège, d’école primaire, d’école maternelle. L’animation scolaire devient une composante de son activité de plasticienne. Elle lui permet de stimuler l’imagination et de faire partager son envie débordante de création..L’animation scolaire révèle l’interpénétration de deux activités à priori différentes: l’activité plastique et l’activité audiovisuelle. Langage plastique et langage filmique deviennent proches. Animation et mise en scène se confondent. Pinceau et Caméra se ressemblent.
Le thème : le sport, le geste sportif. Les enfants parlent du sport d’abord en terme classique (le sport qu’ils pratiquent, le sport vu à la télévision).
Puis, ils inventent un sport nouveau pour lequel tout est redéfini… et tout est permis: la géographie du terrain prend alors des formes géométriques asymétriques (la surface du camp d’une équipe est plus restreinte que celle de l’équipe adverse). Les règles du jeu prennent des tournures complexes mais sont assimilées par tous. Curieusement, ces règles laissent une grande liberté d’expression corporelle (on joue avec les mains, avec les bras autres jambes, avec les pieds)… certains sont debout, d’autres assis, certains doivent courir, d’autres doivent rester statiques.
Quel modèle vivant remarquable lorsqu’on a entrepris de travailler sur le geste sportif. C’est tout une conception de la création qui semble être remise en cause. Les moyens techniques mis en œuvre ; la vidéo légère – Filmer ! – Difficile lorsqu’on n’a jamais touché une caméra. Qu’importe dans un premier temps Marie-Paule prend avec elle un cadreur, puis se fait expliquer le fonctionnement du matériel, puis filme elle-même. Finalement, elle enseigne le fonctionnement du matériel aux enfants, Marie-Paule peut continuer son animation… Les enfants filment le jeu qu’ils viennent d’inventer et dont ils sont acteurs; ils visionnent ensuite leurs images et les confrontent au jeu qu’ils avaient imaginé; quelque chose de très fort se passe, l’effet de feed-back produit engendre de la part des enfants des réactions surprenantes insensées.
Marie-Paule est là avec sa caméra, elle se tait et filme à présent.
La réalisation finale de l’œuvre, c’est-à-dire le traitement des images, révèle une rigueur et une méthode dans le travail qui transparaissaient déjà dans ses toiles. Ici rien n’est aléatoire car l’image finale est déjà gravée dans la tête de l’artiste. Ainsi, lorsqu’il s’agit de monter les images, le corps de l’œuvre prend forme très rapidement malgré les heures de rushes qui s’entassent dans la salle de montage.
Marie-Paule utilise le générateur d’effets spéciaux, non pas qu’il faille à tout prix faire des effets mais parce qu’ici ou là elle a besoin de découper l’image en deux ou en quatre.
Il faut maintenant quelques touches de couleur: à l’aide du coloriseur elle s’y emploie. Elle veut coloriser ponctuellement, moduler, mais l’instrument ne le permet pas.
Le matériel n’est pas à la hauteur des ambitions de l’artiste.
Très vite, Marie-Paule ressent la nécessité de travailler avec du matériel professionnel sophistiqué. Elle regrette de ne pouvoir utiliser qu’un mixing noir et blanc. Elle se met à réclamer du matériel qui n’existe pas encore. Parce qu’elle en a besoin, parce que son projet est très avancé….Elle n’aurait jamais imaginé que la technique puisse, un jour, l’empêcher de créer… »
Gérard Rivoalan
Réalisateur – 1984